30 ans,
30 portraits

Didier Ferrières

Vice-président de l’Association OETH

« L’innovation permet de trouver des solutions pour prévenir et accompagner le handicap au travail »

Président de l’association OETH en 2020, Didier Ferrières en est cette année le vice-président. Cuisinier de formation, il intègre la Croix-Rouge française en 1998 en tant que chef d’un IME en région Occitanie. Élu CGT détaché pour la Fédération de l’action sociale CGT et pour ses différents mandats locaux Croix-Rouge, Didier Ferrières lutte depuis plus de vingt ans à son échelle pour faire avancer la politique du handicap dans l’entreprise. 

Pourquoi avoir choisi de vous engager sur le sujet du handicap au travail ?

Je suis entré à la Croix-Rouge en 1998 comme chef cuisinier dans un IME en Occitanie. J’ai commencé par des mandats locaux de représentant du personnel (CE, CHSCT, DP) au niveau de l’établissement, puis dans l’union syndicale du Tarn-et-Garonne. J’ai ensuite été élu régional puis national. Là, on m’a demandé si ça m’intéressait de remplacer un collègue sur le handicap. C’est un sujet qui m’intéressait beaucoup. J’ai eu un frère handicapé par la poliomyélite, j’ai vécu les souffrances et les multiples opérations qu’il a subies. La non-reconnaissance du handicap à l’époque me frustrait. J’avais également défendu beaucoup de salariés de la Croix-Rouge en situation de handicap. Je continue à le faire d’ailleurs et j’obtiens pas mal de choses.

Quelle était la place du handicap lorsque vous avez débuté au sein de la Croix-Rouge française ?

À l’époque, le handicap, c’était la cinquième roue de la charrette. La France était très en retard sur le sujet. On s’en occupait quand quelqu’un réclamait. Ce n’était pas le sujet principal dans les établissements, même dans le médico-social, qui, pourtant, fabrique du handicap. Il y avait beaucoup de licenciements dès qu’il y avait une situation d’inaptitude. Le maintien dans l’emploi ou la reconversion professionnelle étaient très insuffisants. Beaucoup d’établissements étaient à 0 % de taux de travailleurs handicapés. Beaucoup préféraient payer la pénalité que de mettre en place de véritables mesures.

En tant qu’élu syndical, quelles sont pour vous les grandes victoires obtenues au fil des années sur le terrain du handicap au travail ?

Avant on discutait de la forme, maintenant on discute du fond. On a obtenu des mesures de maintien des salariés dans leur emploi malgré leur handicap, qui est désormais reconnu grâce à la RQTH. On a mis en place des formations pour obtenir une reconversion professionnelle, des ajustements de postes, la possibilité de recruter des personnes en situation de handicap dans les établissements où il y a des manques, notamment grâce à des programmes comme OASIS. Des instances de pilotage ont été créés, où l’on discute du handicap et de ce que l’on pourrait faire pour améliorer les conditions de travail pour éviter notamment les troubles musculo–squelettiques (TMS).

Mais surtout je constate que l’innovation, les progrès technologiques, permettent aujourd’hui de trouver des solutions aux problèmes des travailleurs handicapés mais aussi de prévenir le handicap au travail.

La Croix-Rouge et OETH ont d’ailleurs lancé un programme de soutien à l’innovation. Pouvez-vous nous expliquer en quoi il consiste ?

En septembre 2020, l’accélérateur d’Innovation Sociale de la Croix-Rouge française et de Nexem, 21, a créé, en collaboration avec OETH, un programme spécialisé pour accompagner des projets favorisant l’employabilité des personnes en situation de handicap. Nous accompagnons des jeunes startups qui s’investissent pour améliorer les conditions de travail des salariés handicapés. Chaque année, nous choisissons quatre projets qui vont être accompagnés et financés sur plusieurs années. L’an dernier par exemple, l’un des projets lauréats a développé l’usage des exosquelettes dans notre secteur. Lorsque le salarié doit lever des malades, porter des charges, le dos est maintenu. C’est très utile pour les personnels hospitaliers et les aides à domicile.

Vous avez également été président d’OETH en 2020, avant d’en devenir le vice-président cette année. Qu’est-ce que vous retenez de ces deux années passées à la tête de l’association ?

Malgré le Covid, les deux dernières années ont été chargées. Nous avons pu mettre à profit cette période pour digitaliser davantage nos services. Cela permet d’alléger les tâches administratives pour nous concentrer sur le “fond”, c’est à dire l’accompagnement des politiques handicap, l’animation du réseau des référents handicap, le conseil aux adhérents. Nous avons aussi mis en chantier la refonte de la formation des référents handicap – une spécificité de notre Accord depuis 10 ans – qui aboutira à l’été 2022. Et nous avons développé les moyens consacrés à la communication : chaque année, nous proposons désormais une programmation variée de webinaires.

Quels sont vos souhaits pour le futur d’OETH ? 

Nous sommes aujourd’hui l’un des seuls accords de branche en matière de handicap. Cela produit de très bons résultats : nous avons dépassé les 6 % de travailleurs handicapés au sein des établissements de l’accord. L’enjeu pour les années à venir sera de continuer à développer nos activités et pourquoi pas d’intégrer de nouvelles organisations du secteur. Nous souhaitons intensifier notre activité de sensibilisation et de formation des référents handicap et des équipes en devenant officiellement organisme de formation.

J’espère qu’OETH, qui a 30 ans cette année, n’en est qu’au quart de sa vie. Pour que, grâce à elle et à d’autres, toutes les personnes en situation de handicap de France et de Navarre puissent travailler et valoriser leurs compétences.