30 ans,
30 portraits

Frédéric Karinthi

Président Association OETH

Frédéric Karinthi : « OETH doit continuer à porter des idées innovantes pour accompagner l’emploi des personnes handicapées »

Frédéric Karinthi a pris la présidence d’OETH pour Nexem en 2021. Engagé depuis les années 2000 en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap en milieu ordinaire, on lui doit l’instauration de l’emploi accompagné en France. À l’occasion des 30 ans d’OETH, Frédéric Karinthi revient sur son engagement et dresse un état des lieux concernant l’emploi des personnes handicapées en France.

 Frédéric Karinthi, pourquoi avoir choisi de vous engager en faveur de l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap ?

J’ai longtemps travaillé dans la coopération internationale au sein du Centre International de Développement et de Recherche. J’étais également proche d’un collègue dont la fille est porteuse de trisomie. Il avait créé une association à Compiègne, qui s’appelle aujourd’hui Un autre regard, que j’ai rejoint une fois à la retraite. Les enfants grandissant, les membres de l’association se demandaient : que vont-ils devenir à l’âge adulte ? À l’époque, les personnes en situation de handicap allaient systématiquement en ESAT. Nous nous sommes demandé : pourquoi ne pas leur permettre d’intégrer le milieu du travail ordinaire ? Nous sommes partis à l’étranger pour nous renseigner sur les initiatives qui existaient aux États-Unis, au Canada et en Europe du Nord sur la question de l’emploi et du handicap. Nous avons découvert l’emploi accompagné et avons travaillé à son adaptation en France.

Votre travail a permis l’introduction de l’emploi accompagné dans la loi Travail de 2016. En quoi consiste ce dispositif et quel bilan peut-on en dresser quatre ans après sa création  ?

L’emploi accompagné est un dispositif d’appui pour que les personnes en situation de handicap obtiennent et conservent un emploi rémunéré en milieu ordinaire. Il est ouvert à toute personne quelle que soit la nature son handicap et sans limitation de durée. C’est un contrat signé entre un employeur, une personne salariée et un dispositif social ou médico-social qui s’engage à apporter un appui aux binôme travailleur-employeur.

Depuis son intégration dans la loi El Khomri de  2016, le dispositif  — qui correspond à un besoin, à une demande — s’est fortement déployé. Il faut cependant être prudent, car la méthodologie reste fragile. C’est une démarche au long cours, un accompagnement de l’activité de la personne en situation de handicap jusqu’à sa retraite.Toutes les personnes n’en ont pas la nécessité. La sur-promotion du dispositif ne doit pas engendrer une détérioration de la qualité de l’accompagnement.

Avec le recul, comment analysez-vous l’évolution de l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap en France ?

Depuis la loi de 2005, nous constatons de réelles avancées. Les pouvoirs publics, les associations et les personnes handicapées elle-mêmes se sont mobilisées. Un très gros effort a été fait sur l’accompagnement des personnes vers l’emploi en milieu ordinaire. En parallèle, on peut noter le développement des entreprises adaptées qui ne dépendent plus du secteur médico-social mais du régime général du marché du travail. Or, le milieu de l’entreprise a encore du mal à être inclusif. Sous la pression de la financiarisation de l’économie, les entreprises sont de plus en plus organisées dans le contrôle de la productivité. C’est contradictoire avec l’accueil des personnes handicapées, qui ne sont pas dans le même rythme. Dirigeants et DRH sont souvent plein de bonne volonté, les référents handicap accompagnent les personnes, mais il reste encore beaucoup à faire.

30 ans après sa création, quelle est selon vous la force d’OETH et vos souhaits pour l’avenir de l’association ?

OETH est une association paritaire en matière de gouvernance. Dans le secteur sanitaire et social, où les relations employeurs-employés sont traditionnellement difficiles, OETH est un réel lieu de coopération, de dialogue, d’ouverture d’esprit de part et d’autres pour répondre au mieux aux besoins des personnes en situation de handicap. L’association permet la diffusion d’informations, la mise en œuvre de formations des personnels, des référents handicap et elle accompagne l’innovation. Je pense notamment au programme OASIS qui permet à des personnes handicapées de se former et d’accéder à des postes dans le secteur sanitaire et social. OETH doit continuer à porter des idées innovantes pour l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap en travaillant en complémentarité avec l’AGEFIPH. OETH jouera également un rôle important dans les prochaines années, notamment sur le terrain de la Pair’aidance.