30 ans,
30 portraits

Nathalie Pinto

Directrice des ressources humaines à APF France handicap

« Objectif Apte », une méthodologie progressive et itérative au service du maintien dans l’emploi créée par APF France Handicap

« La culture de la prévention ne s’installe pas comme ça, du jour au lendemain »Directrice des ressources humaines à APF France handicap, Nathalie Pinto a participé à la mise en œuvre d’une politique de maintien dans l’emploi progressive et ambitieuse, soutenue par OETH. Touchée comme de nombreux acteurs du secteur sanitaire et médico-social par un fort taux d’inaptitude au travail, APF France handicap a choisi dans un premier temps de concentrer ses efforts sur la prévention et les réponses à apporter aux situations de risque de rupture de parcours professionnels de ses salariés.

Qu’est-ce qui vous a amené à concentrer vos efforts sur la question du maintien dans l’emploi ?

Les réflexions ont débuté en 2015, alors que j’étais DRH adjointe au sein d’APF France handicap. L’emploi des personnes handicapées fait partie des combats majeurs de notre association. Aussi nos établissements qui emploient des salariés se doivent d’être exemplaires en matière de recrutement et de maintien dans l’emploi de salariés en situation de handicap.

À cette époque, nous avons constaté que notre taux d’emploi de travailleurs handicapés était atteint par les actions volontaristes des directeurs d’établissements. En revanche, notre taux d’inaptitude n’était pas satisfaisant. C’est pourquoi nous avons choisi de traiter en priorité l’axe du maintien dans l’emploi. Dès 2016, nous avons sensibilisé le directeur général à cette question en rédigeant et en diffusant dans notre réseau une note d’intention. L’idée était d’engager une démarche ambitieuse pour mettre au point une méthodologie de maintien dans l’emploi qui pourrait être déclinée localement à partir d’une méthodologie nationale. Cette démarche, que nous avons appelée « Objectif Apte », a été inscrite dans l’accord collectif d’APF France handicap signé avec la CFDT en février 2017, relatif à la prévention des risques professionnels et au maintien dans l’emploi.

Quelles ont été les principales étapes de mise en œuvre de cette méthodologie ?

Un comité de pilotage, composé d’acteurs internes et externes à l’association, des membres de la direction des ressources humaines, d’un médecin du travail et des partenaires extérieurs tels que Cides Chorum et OETH, a été créé. Un certain nombre d’outils ont alors été imaginés : une cellule « Objectif Apte », avec sa charte de fonctionnement, pour traiter en amont chaque situation de salarié volontaire en risque d’inaptitude ; un guide salarié et un guide employeur du maintien dans l’emploi permettant l’étude de la situation ; une action de  sensibilisation à destination des directeurs et des RH en e-learning ; un tableau de bord pour mesurer et suivre l’absentéisme et faciliter le repérage des salariés en difficulté. Cette méthodologie s’est construite avec 12 sites pilotes qui ont testé ces outils avant de nous faire remonter les évolutions à y apporter. Depuis 2019, le dispositif « Objectif Apte » est déployé à l’échelle nationale.

Quels résultats observez-vous sur le terrain ?

La culture de la prévention pour le maintien dans l’emploi s’est répandue dans nos établissements. C’est désormais un sujet auquel tous nos directeurs sont sensibilisés. De nombreuses adaptations sont faites sur le terrain : renforcement des liens avec les centres de médecine du travail, recours au temps partiel thérapeutique, mise en place de mesures d’adaptation ergonomiques du poste de travail, réflexions sur des projets de reconversion professionnelle… Nous avons réalisé de gros progrès. Désormais, avec le dispositif « Objectif Apte », même s’il y a encore des ruptures de contrat pour inaptitude, les salariés partent souvent avec des solutions professionnalisantes sur mesure. Je vais vous donner un exemple. Nous avons accompagné une salariée AES en risque d’inaptitude. Elle a bénéficié d’un bilan de maintien dans l’emploi, d’un bilan de compétences, puis d’une formation de conseillère emploi. Aujourd’hui elle travaille à Pôle emploi. Alors certes, elle a été licenciée pour inaptitude, mais nous avons la satisfaction de lui avoir permis de bénéficier d’un accompagnement sur mesure pour qu’elle se reconvertisse et trouve rapidement un emploi. C’est aussi ça, maintenir nos salariés dans l’emploi, au sein de notre association ou en dehors de notre association, selon les projets professionnels des salariés concernés. Fin 2021, 29 salariés d’APF France handicap avaient déjà suivi une formation dans le cadre du dispositif « Objectif Apte ».

En tant que directrice des ressources humaines, quel enseignement avez-vous tiré de cette expérimentation ?

La culture de la prévention ne se décrète pas du jour au lendemain. Nous avons quand même 550 structures au sein d’APF France handicap… Nous n’aurions pas pu le faire de manière brutale. Notre méthodologie, progressive et itérative, est une réussite, car nous avons travaillé collectivement sur un sujet, puis nous avons testé et fait le bilan, pour ensuite envisager un déploiement national. Cette politique des petits pas nous a permis, à partir de 2020, de travailler un autre axe, le recrutement des travailleurs en situation de handicap. Nous sommes donc actuellement sur le développement d’une politique RH handicap globale, pour combiner le recrutement de travailleurs handicapés à notre politique de maintien dans l’emploi.

Quel rôle a joué OETH tout au long de ce processus ?

Dès le départ, OETH a participé à notre premier comité de pilotage sur le maintien dans l’emploi. Nous avons pu profiter de son expertise et de sa méthodologie. L’association a vraiment été une force de proposition. En 2018, nous avons remporté un appel à projet d’OETH et avons obtenu une aide financière pour faciliter le déploiement national de notre méthodologie de maintien dans l’emploi. Parallèlement en 2019, nous avons répondu à un second appel à projets initié par OETH pour appuyer les salariés volontaires en risque d’inaptitude qui souhaitent s’orienter vers une reconversion professionnelle. Accompagné et pris en charge par l’OETH, une nouvelle enveloppe sur trois ans nous a été allouée pour accompagner les besoins en formation de ces salariés.

Outre le soutien financier, OETH est un partenaire clé au quotidien. Elle nous cite, parle de nos projets et de notre politique handicap. Nous travaillons en réseau. Par exemple, nous faisons partie d’un groupe de travail initié et piloté par OETH sur la prévention du risque de désinsertion professionnelle et partageons nos expériences et pratiques avec d’autres associations du secteur telles que la Croix-Rouge française, le Groupe SOS, et bientôt la Fondation Partage et Vie… Le soutien d’OETH se traduit également par un accompagnement pour l’organisation d’évènements. Au quotidien, nous avons des moyens restreints, car les financements de la plupart de nos établissements proviennent des agences régionales de santé et des conseils départementaux. Nous n’avons pas les mêmes réalités financières que les grandes entreprises. L’expertise et l’accompagnement d’OETH sont une réelle plus-value pour nos organisations. L’association dispose d’une très bonne connaissance des conditions de travail et de la réalité des métiers de notre secteur.